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Élections, réseaux sociaux et capacité d’interagir avec qui pense différent

 
15 novembre 2022   |   , ,
 
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À l’heure des algorithmes, des esprits exaltés et de la violence politique (symbolique et, souvent, physique), est-il encore possible de promouvoir des espaces de dialogue et réflexion sur les réseaux sociaux ?

Ce texte part d’une expérience personnelle. Je suis retourné au Brésil, mon pays d’origine, fin 2021, après presque 3 ans d’absence. En plus des aspects sociaux et politiques, le pays que j’ai trouvé à mon arrivée eut un grand impact sur moi. C’était un pays divisé. Entamée l’année 2022, avec l’arrivée de la période électorale, la division est devenue de plus en plus nette. Pendant les mois qui précédèrent les élections, chaque jour, quand, à mon réveil, j’ouvrais la fenêtre de ma chambre dans l’immeuble où j’habite à Rio de Janeiro, je constatais qu’à leur balcon des voisins avaient choisi un parti et décidé de le manifester très clairement.

Il y avait des balcons qui portaient un drapeau brésilien (symbole national d’identification utilisé par l’extrême droite) et d’autres un drapeau rouge avec le visage de l’ancien président Lula, candidat à la réélection et vainqueur de cette dernière course à la présidence du pays. La division, cependant, allait bien au-delà de la politique : elle représentait, avant tout, un projet de monde meilleur. Chacun des camps montre une volonté de répondre aux besoins de l’époque actuelle, dans une perspective de valeurs et avec un discours très clair. Chacune de ces perspectives est fortement remise en question par « l’autre bord ».

Est arrivé le second tour des élections, et le résultat fut des plus serrés. Le candidat de la gauche, Luís Inácio Lula da Silva, l’a emporté avec 50,9% des suffrages valides. 1% de plus que l’actuel président, Jair Messias Bolsonaro.  Le résultat fut une radiographie de la population. Les deux moitiés sont en contact permanent au sein des familles, dans les milieux de travail, les écoles, les universités et, surtout, sur les réseaux sociaux, où les opinions et les nouvelles, fausses ou partiellement vraies, engendrent une vague de haine et de discorde qui menace de priver le peuple brésilien de ce qu’il a de plus beau : l’union entre les différents.

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Dans ce scénario, j’ai décidé de mettre à l’épreuve l’idée que, là où il n’y a pas de dialogue, pour le trouver, il suffirait d’instaurer un espace qui lui soit favorable. J’ai alors décidé de m’y lancer là où je pensais qu’il y en avait le plus besoin : dans mon profil personnel Instagram.

Il y a beaucoup de bonnes personnes des deux côtés

Je suis parti de l’idée qu’il est impossible de faire fi de la moitié de la population d’un pays entier. Il est impossible que, dans la moitié de toute une population, il n’y ait pas de personnes intéressantes et intelligentes, avec des valeurs. Même si j’ai une position politique très bien définie, je comprends que la désinformation peut générer des prises de décision discutables. Dans l’attente que passent les élections, avec des partis politiques et des gouvernements eux aussi passagers, contrairement, peut-être, à la qualité des relations que nous avons construites, susceptible d’être durable, j’ai décidé d’apporter ma contribution avec ce que je suis convaincu de bien faire : écrire.

J’ai écrit une lettre ouverte à mes amis, offrant une réflexion sur le moment présent, où j’essayais de n’attaquer aucun des deux côtés. Je cherchais à unir. Posté sur Instagram, à ma grande surprise, en moins d’une journée, le message atteignit plus de 1000 personnes. Puis les chiffres n’ont cessé d’augmenter. Quelques heures plus tard, le texte était dans des groupes WhatsApp ; aujourd’hui, après quelques semaines, il est difficile de mesurer jusqu’où l’idée soit parvenue. Les dizaines de commentaires sur mon compte Instagram tournent autour du mot « Merci ».

Résoudre la situation d’abord en soi-même

Le texte est né après une rencontre avec des amis, où, très ému, j’ai entendu l’histoire de vie et senti le champ de vision de personnes extraordinaires, certaines alignées plus sur la perspective de la gauche, d’autres plus sur celle de la droite, mais toutes profondément blessées à l’intérieur d’elles-mêmes, assoiffées d’un moment de paix. Dans cette lettre, j’ai tenté transmettre la douleur de chacun, tout en sentant que je ne pouvais le faire si, en mon for intérieur, je ne parvenais pas à contenir ces deux groupes.

Je devais essayer de résoudre ma division intérieure, la façon de considérer mes propres blessures et, seulement alors, essayer d’être capable de reconnaître les blessures des autres. Le dialogue et la paix, en ce sens, surgirent de l’intérieur. S’il est vrai que « chacun donne ce qu’il a », j’ai essayé d’avoir en moi une graine d’espérance. Ce ne fut pas facile. Même paraissant peu, voir cette graine germer sur les réseaux sociaux, dans les conversations de personnes connues et inconnues, ça m’a donné un très profond sentiment de devoir accompli.

« Nous ne possédons vraiment que ce que nous donnons », c’est une autre phrase en laquelle je crois profondément : j’ai pu l’expérimenter à partir de cette situation. Plus je voyais l’idée se répandre, plus elle grandissait en moi. Il reste encore beaucoup à faire : le monde ne change pas qu’avec un contenu sur Instagram. Mais de grands changements peuvent aussi commencer ainsi. Pourquoi pas ? Ma façon de voir le 100% des Brésiliens a changé ! Je ne suis pas d’accord avec tout, tant de fois je suis attristé de certaines nouvelles, mais, progressivement, je parviens voir les personnes derrière les idées.  C’est alors que je pose la question : en ce moment, y a-t-il quelque chose de mieux ?


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