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Femmes, agricultrices et engagées pour le bien commun

 
3 juin 2022   |   , ,
 
Foto di Shutterbug75 da Pixabay
Par Gustavo Monteiro – Cidade Nova

AGROECOLOGIE. Au Brésil, une association de la Zona da Mata Alagoana remet au centre les femmes, la protection de l’environnement et l’esprit de communauté. Quand Maria Lucilene dos Santos est arrivée sur les terres qui seraient devenues la colonie Zumbi dos Palmares[1], à Branquinha, dans la Zona da Mata Alagoana (Brésil), en 1996, elle y a trouvé un paysage de désolation. Des siècles de monoculture de la canne de sucre avaient compromis la fertilité du sol.

Une bonne dose de patience et beaucoup de travail ont été nécessaires pour pouvoir planter, obtenir un rendement et bâtir un lieu de vie. Peu à peu, de nombreuses personnes, associations et organisations se sont dites disponibles à aider. Cependant, nombreux ont été ceux qui ont abandonné devant les premières difficultés, d’autres avaient des intentions cachées ou cherchaient à empocher le produit de l’activité agricole, ou encore ne le répartissaient qu’entre les hommes. Les acheteurs, par exemple, acquéraient souvent les produits sans les payer.

« ‘La place des femmes, c’est à la maison, à s’occuper des enfants’, voici ce qu’on nous disait », se souvient Lucilene, aujourd’hui présidente de l’Association « Productrices Agroecologiques de la Zona da Mata Alagoana » (Aproagro). L’association compte 17 membres actifs et elle est présente sur au moins trois autres colonies de la région. Grâce au travail d’Aproagro, la communauté de la colonie a obtenu le premier certificat de production biologique et agriculture familiale de l’état d’Alagoas.

Suite à cette reconnaissance, les agricultrices ont obtenu un camion du gouvernement fédéral pour vendre leurs produits. Il leur a permis de participer à plusieurs marchés biologiques de la région et de la capitale, Maceió, qui se trouve à 70 km de la colonie.

Autant de conquêtes qui ont été le fruit du travail des femmes et des hommes de cette communauté, ainsi que des partenariats établis au fil des années avec la société civile. A la base de tout cela, il y a des relations humaines sincères.

MONDE UNI ET PIEDS DANS LA BOUE

Quand Cristina Lira est arrivée à la colonie Zumbi dos Palmares pour son projet de mémoire de Master, en 2000, elle n’arrivait pas à comprendre comment une région fertile, couverte par la forêt pluviale atlantique et régulièrement irriguée par les pluies puisse accueillir l’une des communes les plus pauvres du pays.

Sa formation d’architecte-urbaniste a permis de miser sur le développement durable et humain pour combattre la pauvreté à travers l’Economie de Communion. « Quand il pleuvait, il était impossible d’accéder à la colonie en voiture. Les autres étudiants universitaires et moi devions continuer à pied, dans la boue. Une fois, en marchant, j’ai même perdu une chaussure », se souvient Cristina.

Malgré sa détermination à aider la communauté, la chercheuse était reçue avec méfiance par les habitants. « Quand elle est arrivée, je ne lui faisais pas confiance. Je pensais qu’elle était juste une personne de plus qui arrivait ici pour ensuite nous abandonner. Quand je l’ai vue venir ici jour après jour, qu’il pleuve ou qu’il vente, même si elle n’était pas capable de marcher dans la boue, alors j’ai compris qu’elle était différente », raconte Lucilene. « Depuis, c’est elle qui construit des ponts. Elle les construit, et nous on les traverse », elle continue, en se référant aux nombreux rêves accomplis.

Lors de la dernière réunion avant de la conclusion de son Master, l’un des chefs de la communauté à demandé à Cristina : « Et maintenant, vous allez nous quitter ? » Mère de quatre enfants, l’architecte a eu la sensation que cette expérience avait été pour elle comme une cinquième grossesse : elle ne pouvait abandonner ces gens, même si, toute seule, elle n’aurait pas pu aller bien loin. Il fallait donc créer des partenariats.

Quelques années plus tard, Cristina a co-fondé l’Instituto Mundo Unido, qui accompagne la communauté dans les échanges avec les autorités, les organisations non-gouvernementales et les entreprises. En plus d’avoir obtenu le camion pour la vente et le certificat de production familiale et biologique, l’Instituto Mundo Unido et l’Aproagro ont également lancé des cours de formation pour les jeunes, des cours d’artisanat et d’entrepreneuriat, des projets d’assistance dentaire, de médecine générale et d’éducation à la paix pour les enfants.

« LA FEMME QUI SE PROMÈNE N’A PAS UNE BONNE RÉPUTATION »

Cristina raconte que, lorsqu’elle se rend à la colonie, elle le fait avec l’intention de servir, de se mettre à disposition et de cultiver un esprit de famille. Cet esprit est peut-être le secret des progrès accomplis. « Si des ressources arrivent, nous donnons la priorité aux besoins des autres. Nous faisons le point sur ceux qui possèdent déjà un réservoir d’eau et nous tirons au sort parmi ceux qui n’en ont pas. Nous ne gardons rien pour nous-mêmes. L’argent restant est investi dans le siège de l’association », explique Lucilene.

C’est à Silvaneide Mota, trésorière d’Aproagro, que revient la tache de documenter méticuleusement chaque dépense pour la déclaration mensuelle et annuelle réalisée avec les autorités : un engagement qui a déjà garanti la continuité de plusieurs projets. « C’est parfois épuisant. Je n’ai pas un moment libre de la journée. Si je ne suis pas à l’association, je suis à l’église ou au marché, ou alors chez moi à m’occuper des plantes et des animaux » raconte-t-elle. Lucilene assure : « Nous n’avons jamais eu envie d’abandonner. Nous sommes en train de construire un monde meilleur pour celles et ceux qui viendront après nous, même si nous ne verrons pas immédiatement les résultats de nos efforts. » « Nous n’abandonnons pas, et cela alimente les préjugés et le machisme. ‘La femme qui se promène n’a pas une bonne réputation’, nous dit-on. Mais nous ne faisons rien pour nous-mêmes. Tout ce que nous faisons, nous le faisons en pensant au bien de la communauté », conclut-elle.

LA FORCE D’ALLER DE L’AVANT      

Les défis restent nombreux : une bonne partie des lots de la colonie, par exemple, n’ont pas adhéré à l’association, et ses membres diminuent. Silvaneide, cependant, ne se décourage pas. « Il y a des jours où je rentre à la maison sans avoir déjeuné, après avoir couru de la banque à l’église et de l’église à la plantation. J’ai mal à la tête et j’ai envie de me plaindre à Dieu. Dans ces moments-là, je regarde mon jardin, je vois les poules, les brebis, tout ce qui me donne de la nourriture, tout ce que mon mari et moi avons conquis. De quoi devrais-je me plaindre ? Je ferme les yeux et je remercie Dieu pour tout. Ensuite, je demande la force de faire encore plus. »

[1] Une « colonie de réforme agraire », au Brésil, est un ensemble d’unités agricoles créées par l’INCRA (Institut National pour la Colonisation et la Réforme Agraire) sur une propriété rurale.

Chacune de ces unités, appelées parcelles ou lots, est attribuée à une famille d’agriculteurs ou à un travailleur rural qui ne dispose pas des ressources économiques pour acheter une propriété rurale.

La famille bénéficiaire doit s’installer sur le lot et le cultiver, en développant diverses activités productives. [Note du traducteur, source : https://www.gov.br/incra/pt-br/assuntos/reforma-agraria/assentamentos].

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