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« Le sport est une métaphore sociale dans une société qui tend à l’individualisme » – Entretien avec Federica Comazzi, de Sportmeet

 
16 mai 2025   |   International, sport, Sportmeet
 
Sportmeet
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Pour Federica Comazzi, le sport est révélateur d’une vérité sociale : personne ne se réalise seul. Dans chaque équipe, comme dans chaque communauté, la personne s’épanouit lorsqu’elle collabore, soutient et se laisse soutenir.

Federica Comazzi a joué au rugby de haut niveau, bien qu’avant elle ait pratiqué la danse classique. Elle poursuit un doctorat en sciences de l’exercice physique et du sport,alors qu’avant cela elle a étudié l’Éducation, le Conseil pédagogique pour le handicap et la marginalité, ainsi que le Sport, en plus de l’Intervention psychosociale. Federica Comazzi est surtout présidente et coordinatrice internationale de « Sportmeet for a  United World » : un réseau international de sportifs et d’opérateurs du sport fondé en 2002, expression de ce renouveau spirituel et social qui est à la base du Mouvement des Focolari. L’objectif de ce réseau, impliqué dans divers projets sociaux à travers le monde, est de promouvoir la culture et la pratique du sport pour construire la paix et la fraternité universelle.

Sportmeet met en relation des hommes et des femmes de tous âges, cultures, ethnies, langues et religions qui vivent l’activité sportive pour la croissance intégrale de la personne humaine, de la communauté et du monde uni.

Federica, comment tout cela a-t-il commencé ?

Au début des années 2000, apparaît, en particulier en Europe, une nouvelle vision du sport qui retrouve sa valeur éducative au-delà de celle du spectacle. Ce n’est pas une coïncidence si remonte à cette période l’Année Éducative du Sport. C’est dans ce contexte qu’est né Sportmeet, dont le premier congrès eut lieu en 2002.

Qui en fait partie ?

Des personnes qui travaillent dans le milieu du sport ou qui, simplement, sont passionnées par le sport. Athlètes, entraîneurs, préparateurs physiques, unis par la volonté de diffuser la culture de la paix et de la fraternité universelle – comme l’affirme l’article 1 de la Déclaration des droits de l’Homme – à travers et dans le sport. C’est un conteneur merveilleux, que vous pouvez remplir de bons ou de mauvais fruits. Sportmeet a évolué au fil du temps, sans jamais renoncer à la vision du sport comme lieu de rencontre entre personnes d’origine, de culture, de religion et de langue différentes. Des personnes unies par le désir de trouver dans le sport un langage commun pour construire le dialogue dans la perspective d’un monde divers, meilleur, basé précisément sur la paix et la fraternité universelle.

 

« Le sport est l’un des espaces où les relations se créent le plus » – Photo sur Pixabay

Un mot clé, comme l’indique son nom, est « rencontre ». Juste?

Le sport est l’un des espaces où majoritairement les relations se créent. On peut certainement le définir comme un lieu de rencontre. D’où le nom de Sportmeet, avec une idée de rencontre, basée sur la règle d’or : «Fais aux autres ce que tu voudrais qu’il te soit fait ». Cette valeur améliore la vie quotidienne de chaque personne et transforme les sociétés en communautés. Cela rend l’expérience Sportmeet différente des autres façons de comprendre le sport, dans lesquelles peuvent entrer la violence, le racisme, beaucoup d’argent ou, plus simplement, la compétition poussée à l’extrême.

À propos, comment se vit la compétition au sein de Sportmeet ?

Entendons-nous bien, la compétition est utile, mais elle doit être un instrument de croissance. Il ne faut pas la vivre à l’extrême, dans la logique de suprématie du plus fort sur le plus faible. Elle ne doit pas annuler l’autre. Sans lui, je ne peux pas atteindre mon objectif, et vice-versa. Sans un second, il n’y a pas de premier. C’est un défi aussi difficile qu’important. Sportmeet promeut des événements axés sur ces valeurs afin d’enrichir la dimension du sport. C’est un conteneur, comme je l’ai dit, et ce sont là les meilleures choses pour le remplir.

 

« Sans finaliste, il n’y a pas de premier » – Photo sur Pixabay

Quelle est l’importance de véhiculer aux jeunes cette idée du sport ?

En tant que pédagogue, mais aussi maîtresse de sport vouée depuis des années aux enfants – en particulier les très jeunes -, j’ai constaté comme très importante l’éducation sportive auprès des nouvelles générations. À cet âge, il y a une énorme capacité à métaboliser les messages, une élasticité et une grande fertilité mentales. Parfois, ce sont les enfants eux-mêmes et les jeunes qui nous passent des messages que nous, les adultes, avons du mal à vivre de manière naturelle, parce que bloqués sur nos positions. C’est très beau de voir se développer des relations amicales avec le sport. Je ne parle pas du petit groupe qui sort pour faire la fête (même si chez les jeunes la légèreté et le divertissement sont importants et font partie de leur croissance), mais du développement de relations en vue d’un soutien réciproque. La dimension éducative du sport est importante et se valorise : elle découle d’une vision précise du sport, qui ne va pas de soi. Si, à sa base, il n’y a pas une véritable action éducative, une vision éducative claire et planifiée, le sport peut alors conduire à des résultats très éloignés de ceux que mettent en avant des organismes tels que Sportmeet.

Un autre concept qui résonne clairement, dans l’idée de Sportmeet, est celui de « être ensemble ». Es-tu d’accord ?

En repartant de mon expérience, je peux dire que – spécialement dans les sports d’équipe – seul on ne va nulle part : l’union fait la force. Par exemple, au rugby, je ne peux pas marquer des points toute seule, il y a 15 adversaires prêtes à me mettre à terre. Le soutien de mes camarades est essentiel, et il est merveilleux de voir comment coïncident objectifs personnels et communs. Le groupe devient soutien pour l’individu et l’individu pour le groupe. Voilà comment le sport est vérité et, de ce fait, il est aussi métaphore sociale, dans une société qui tend à l’individualisme. L’expérience du sport nous aide à comprendre l’importance de la personne dans la relation, en tant qu’élément précieux d’une communauté.

La vie de Sportmeet a presque naturellement rencontré celle de R4unity, qui compte 20 ans en 2025. Quel lien unit ces deux expériences lumineuses ?

Run4unity a une grande capacité à rassembler les jeunes du monde entier par le biais des communautés locales. C’est de là qu’il prend vie ; la présence de Sportmeet dans ces communautés nous a permis de devenir l’animateur de nombreux événements au niveau local. Nos deux expériences vont bras dessus, bras dessous. On peut dire que, pour son existence, R4unity compte sur Sportmeet et vice versa. Tous deux ont la même vision du sport et, au fil des ans, ils organisèrent de nombreux événements à grand succès, avec une importante répercussion médiatique. Non seulement en Italie, mais dans toute l’Europe, en particulier en Serbie et en Croatie, s’est poursuivie cette relation entre Sportmeet et Run4unity, ceci sans parler des actions en Argentine, au Brésil, en Équateur et Bolivie. Dans ce pays, sont nés des projets de la collaboration de R4U et Sportmeet advenue avec l’association à but non lucratif AMU : ils ont abouti à la construction d’écoles.

En 2025, Run4Unity célèbre son 20e anniversaire
En 2025, Run4Unity célèbre son 20e anniversaire

Combien de pouvoir le sport possède-t-il pour construire l’harmonie entre les peuples ?

Beaucoup, et même ici, pour mieux le comprendre, il faut en faire l’expérience. J’ai la chance de le vivre tous les jours sur le terrain. Tout passe par l’engagement qu’on y met, ce qui peut parfois devenir aussi un défi très fatigant, car on rencontre des situations qui ne sont pas faciles. Au-delà de ces difficultés, et aussi à travers elles, se découvre le grand langage universel du sport. La fatigue physique, le sacrifice d’un athlète pour atteindre l’efficacité du geste athlétique sont communs à son coéquipier et à son adversaire : avec des rôles différents, les deux engagent ensemble un voyage qui mène au but. Mon adversaire et ma camarade m’incitent à donner le meilleur de moi-même. Ensuite, cette recherche d’harmonie dans son équipe, et tout ce que l’on apprend du sport, on peut le mettre en pratique dans la vie quotidienne.

 


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